Un suivi par téléphone, vraiment ???!!!??

Driiing…

–euuuh, je sais pas trop comment faire, ça fait bizarre par téléphone, je sais pas quoi dire…

–C’est correct, on va y aller doucement… Et si vous commenciez par me dire ce qui vous amène à demander un rendez-vous ?

–Ben… Je me rends compte qu’il y a de quoi qui ne va pas dans ma vie, et on dirait que ça recommence toujours pareil !

–oh, bravo de faire cette constatation ! C’est déjà très bien. Je vois que vous êtes une personne capable faire des prises de conscience avec courage…. et vous sentez qu’il est temps de changer.

–oh oui, c’est le temps ! Je voudrais vraiment être bien, tout simplement !…

–Oui, c’est tout à fait légitime de désirer être bien.Alors si vous me racontiez comment ça se passe ce qui recommence toujours pareil ?

–oh et bien c’est pas compliqué, bla bla bla

… et voilà on est déjà dans le vif du sujet !!! De toute beauté!

De l’aide psychologique accessible là où vous êtes… par téléphone C’est possible et ça marche !

5 ans durant, j’ai travaillé comme fournisseur de services auprès d’une firme de programme d’aide aux employés qui osait le suivi téléphonique. Une magnifique expérience ! Au-delà des conditions administratives étouffantes et limitatives le mode d’intervention, lui, ouvrait des portes pour le plus grand bien des personnes que j’ai ainsi pu accompagner. Et moi aussi j’ai grandement apprécié ce mode d’intervention face auquel il y a encore beaucoup de méfiance.

La surprise au début

Je revois (ou plutôt je devrais dire je ré-entends !) tant de clients qui ont commencé l’échange en nommant leur malaise de s’être fait proposer un rendez-vous téléphonique alors qu’ils s’attendaient à se rendre en personne…

J’écoute leurs inquiétudes, les aidant à nommer leurs ressentis. et je valide à chaque fois qu’il est normal et légitime qu’ils se posent des questions.

Puis je leur propose de faire l’essai une fois puisque le rendez-vous est déjà fixé et que l’on est en train de se parler ! Ben oui, rendus là, autant essayer… Tous disent alors oui.

Et là je fais simplement mon boulot, de mon mieux. De tout mon cœur je les écoute dans leurs souffrances, leurs désarrois dans la vie face à telles embûches ou inconnues…. Et je leurs reflète ce que j’entends, dans les mots mais aussi dans leurs voix, leurs intonations, leurs silences même…

J’aide chacun à se sentir mieux, plus ‘normal’ de vivre ces situations avec stress… et finalement avec beaucoup moins de stress en fait en m’en parlant !

Fidèlement, à la fin, je leur propose, s’ils sont toujours mal à l’aise avec l’idée d’un suivi téléphonique, de faire transférer leur dossier vers un conseiller en personne… Sur plusieurs centaines de clients, je vous le dis, je me souviens d’un seul qui a voulu le transfert… les autres ont tellement apprécié leur expérience téléphonique, dans le confort de leur environnement, en se sentant profondément écoutés et accompagnés : ils ont choisi de poursuivre sur ce mode téléphonique à première vue déroutant, et en quelques rendez-vous ont atteint leurs objectifs.

Et adopté ensuite: les avantages du téléphone…

L’avantage de rester chez soi

Le suivi d’aide psychologique par téléphone est ainsi devenu un mode de choix pour plusieurs personnes. À commencer évidemment par ceux qui habitent loin des services… C’est sans étonnement que ce mode d’intervention a été utilisé par des personnes travaillant sur des chantiers éloignés, ou dans le Grand Nord ou encore dans une station de sauvetage du bout du monde 😉

Mais ils ne sont pas les seuls… les parents viennent rapidement derrière à tel point que ma plage horaire de 20 h leur est maintenant réservée ! Quel soulagement pour un parent attentif de pouvoir être présent dans la maison et avoir paisiblement son rendez-vous après avoir mis ses chérubins au lit, dans une pièce discrète, mais en restant disponible au cas où. Et bien sûr qu’on prend un temps d’arrêt lorsqu’un petit cauchemar survient et c’est un parent le cœur en paix qui revient ensuite au téléphone poursuivre son rendez-vous. D’aucuns diront que ce risque d’interruption empêchera un vrai processus… mon expérience me dit que le parent en paix est bien plus disposé au processus que celui qui est à mon bureau, mais l’esprit inquiet pour son enfant.

Ou de rester ailleurs !

Mais j’ai aussi de nombreux clients qui ont pris leur rendez-vous soit sur leur temps de dîner, soit pendant une marche dehors, soit dans une période qu’ils ont réservé, porte close, à leur bureau ! C’est tout particulièrement le cas de nombreux gestionnaires ou hommes et femmes d’affaires. Pour eux, le rendez-vous par téléphone prend l’aspect d’un fonctionnement efficace et rentable, sans perte de temps dans leur horaire et contribuant à un meilleur déroulement de leurs tâches, donc entièrement gagnant.

Mais encore… ?

S’il est vrai que la possibilité de choisir le lieu de son rendez-vous est le premier avantage qui vient en tête pour justifier un suivi par téléphone, il est cependant loin d’être le seul, et en fait il n’est même pas le principal !

Voilà, c’est ici qu’on entre dans l’aspect plus déroutant, mais pourtant puissant du suivi d’aide psychologique par téléphone. Et je vous le garantis, c’est là que j’en ai souvent eu les entrailles coupées devant la grandeur de ce qui a pu se passer par le biais du téléphone !!! Et pourtant, je veille à rester dans les limites d’un accompagnement qui n’est pas de la psychothérapie en tant que telle, par prudence du fait que je ne peux intervenir directement auprès de la personne. Mais je constate que l’aide téléphonique convient parfaitement à la relation d’aide humaniste, qui remet à la personne-même la capacité de reprendre pouvoir sur sa vie.

Sécurisant

Une des dimensions les plus frappantes de l’aide psychologique téléphonique, c’est de sentir combien la personne que l’on accompagne est sécurisée d’être dans son milieu. Il y a une confiance et une facilité de parler qui entre en jeu presque avec magie ! Alors que pour la psychothérapie touchant les difficultés relationnelles, la présence en face à face est partie essentielle du processus ; dans l’accompagnement téléphonique, cette présence ne manque pas !

Comment l’expliquer… j’entends et je sens que le fait de ne pas être vu rend possible à la personne de se dire avec plus de liberté. Après tout, les origines de l’aide psychologique se sont faites dans le cadre de la psychanalyse, avec le fameux divan où le psy tournait le dos au client ! Il y a donc des cas où le face à face est aidant et d’autre où l’absence de regard est aidant.

Discret

C’est ainsi que j’entends des confidences touchant des hontes profondes, des pensées jamais avouées auparavant, des libérations ! Et les personnes me redisent souvent à quel point elles se sentent respectées et non-jugées (bon, les clients en personne le disent aussi, mais il y a une note encore plus forte chez ces clients à distance)… le fait qu’ils se sentent cachés tout en me parlant les aide à s’ouvrir sur des sujets qu’ils ne seraient pas prêts à nommer en personne. C’est vraiment une dimension remarquable de cette forme d’écoute.

Centré

Maintenant, parlons du thérapeute dans la perception du client…

Car mine de rien, une bonne partie des premiers rendez-vous en personne passe à ce que le client apprivoise l’aidant, l’analyse, l’examine pour voir s’il se sent en confiance ! Et c’est tout naturel. Alors que par téléphone, l’invisibilité vient comme estomper la personne même du thérapeute ce qui est une bonne chose dans le contexte. Le client se sent écouté, mais est avec lui-même, pas d’énergie perdue ailleurs., Le client est centré sur lui-même, dès le début, dans la sécurité de son territoire et sans intrusion de la présence personnelle du thérapeute !

Cela peut paraître surprenant, mais comme accompagnant humaniste, nous sommes là pour rendre à la personne ce qui lui appartient, donc cet effacement est des plus bienvenus et ne nuit aucunement à notre capacité d’intervention. Il s’ensuit un processus, plus vite amorcé, plus directement au cœur du sujet et dirigé vers le but à atteindre.

Rapide

Ainsi, on peut voir que, finalement, si le choix des gestionnaires et travailleurs pressés peut sembler un calcul banal et superficiel, finalement, le mode téléphonique permet un travail bien au contraire plus rapidement profond et précis. Quoi demander de mieux ? Ah oui, bien sûr, les personnes à tendance dépendante ne seront pas attirées par ce mode d’aide, car elles cherchent inconsciemment à être dans un suivi long. C’est un triage qui se fait tout naturellement. Mais pour ceux qui cherchent à aller mieux rapidement et simplement, il n’y a que des bénéfices.

Et je le redis : c’est ainsi que j’ai entendu de ces confidences qui ne se rendent même pas en cabinet !!!!

Revenons à la cliente du début…

–C’est incroyable, là je vois des liens, je me rend compte que ma façon de réagir a encore plus d’impact que je ne le pensais dans ma vie. … et savez-vous quoi? … Oh là je viens de réaliser…. Je sais d’où ça vient !!! … Mais je ne peux pas croire que je vais vous dire cela, je n’en ai jamais parlé à personne, je vous connais même pas et pourtant, voilà : quand j’avais 12 ans, alors que mon père était mourant j’ai….. (…)    … et j’en ai eu tellement honte ensuite que jamais je n’en ai parlé, j’ai essayé d’oublier !

… et on n’est qu’au deuxième entretien téléphonique !!!!

Mais est-ce que ça marche par téléphone ?

Oui, mais c’est quoi qui marche ?

Vous savez, moi il y a une chose que me dérange beaucoup dans le domaine de la relation d’aide, c’est quand on mélange soulagement des symptômes, rétablissement et épanouissement. Soulager des symptômes, c’est bien sûr essentiel en situation de crise, et quand la souffrance ou le stress sont trop grands pour aller plus loin. Mais cela ne règle rien à long terme. Le rétablissement impliquant un changement profond est visé par la psychothérapie. Le développement, l’épanouissement implique que la personne est elle-même en acte de prendre possession de sa vie.

L’approche humaniste

Et ici je reviens à la base de la relation d’aide humaniste : l’approche Rodgérienne qui vise à permettre à la personne d’accéder à sa véritable identité, d’accéder à la richesse de l’expérience vécue dans l’immédiateté des sentiments et la clarté de la communication. Le tout représente une prise en main de son plein épanouissement vers une action libératrice. Et cette approche Rodgerienne de la relation d’aide, oui, je vous affirme que ça marche !

Et pourquoi ça marche ???

Il est intéressant de voir que cette question en rejoint une de fond : qu’est-ce qui fait qu’un accompagnement, et encore plus une psychothérapie fonctionne ? Est-ce la méthode ? Le type d’approche ?

Eh bien les recherches tendent à dire que non ! Les facteurs déterminants de la réussite d’un processus d’aide tiendraient plus à la façon d’être de l’aidant et à la qualité de la relation ! Mais alors, puisque j’ai dit combien l’aidant s’efface dans le suivi téléphonique, pourquoi ça fonctionnerait ? Il s’avère qu’en fait, cet effacement ne nuit aucunement aux caractéristiques d’un suivi d’aide efficace et que la qualité et la confiance peuvent s’établir entre l’aidant et l’aidé. Ce n’est pas l’aidant dans sa personnalité et sa force de présence qui importe, mais le fait que sa manière d’être dans le processus favorise le travail de la personne aidée.

Qu’en dit la communauté scientifique ?

Premièrement beaucoup de scepticisme, donc beaucoup de recherche et finalement, avec étonnement, beaucoup de résultats concluant à l’efficacité des suivis d’aide à distance !

Le nombre de recherches devient imposant et les conclusions de plus en plus encourageantes à oser des modes d’intervention moins conventionnels, mais correspondant bien à l’essence de ce qui constitue un processus d’aide ou d’accompagnement psychologiques. Dans certains cas, même la psychothérapie s’avère efficace à distance, mais on parle d’un type de problématiques spécifique et entouré de mesures d’encadrement considérables.

Et pourquoi pas Skype ou Zoom ???

Ah skype ! En voilà un logiciel qui a fait sa place et pratiquement son monopole dans le monde des échanges en visiocommunication ! Si génial pour voir le petit dernier né à l’autre bout du continent et suivre ses amis ou parents en vacances, ses enfants aux études… Skype est un outil gratuit génial pour les besoins personnels ! Mais il ne convient pas à un usage professionnel, confidentiel et thérapeutique. De plus, tous les avantages que j’ai décrits du suivi téléphonique sécurisant, discret, centré, rapide… disparaissent si on prend la visioconférence… sans pour autant regagner les avantages de la présence réelle en face à face. L’image à l’écran ne permet pas de saisir le détail et l’immédiateté du regard, ni le reste de la position. Le léger décalage temporel nuit à la précision des échanges… on ne sent pas ces éléments lors  d’un échange familial, mais un thérapeute les ressent fortement.

Donc pour moi, je préfère n’avoir que le son, mais un son précis, immédiat, intime au creux de mon oreille, et permettant la richesse de laisser la personne se centrer sur elle-même.

Sans limites ?

Alors donc, ça veut dire qu’on se précipite tous en suivi téléphonique ? Non !

C’est un mode d’aide génial, mais qui ne convient pas à tout et qui a, lui aussi ses limites. Tout d’abord des limites territoriales ! Hein ? Mais pourquoi le territoire puisque c’est à distance, qu’est-ce que ça change que l’autre soit a 10 km ou de l’autre côté de la planète ? … Eh bien cela change que si la personne se retrouve en détresse et qu’elle est en Chine, je serais totalement impuissante à lui relayer de l’aide ! Je dois donc m’en tenir à mon pays, où je connais les ressources existantes. Ensuite, il y a des types de besoins qui s’y prêtent moins que d’autres. Par exemple, les problématiques relationnelles se travaillent plus efficacement en relation directe, donc en présence. Il convient donc de voir dans quel cas le suivi téléphonique est le mode adapté et souhaitable.

Mais passé ce triage, il ne reste plus qu’à profiter de la douceur d’un suivi de chez soi ou d’où l’on veut, centré sur son besoin pour en grandir et accéder à un épanouissement que toute personne humaine mérite 🙂

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